2015 marque les 50 ans de l’ouverture du droit de vote aux citoyens noirs aux USA sous le mandat Johnson. Ce droit civique est le fruit du long combat personnel d’un homme, Martin Luther King qui prônait la non-violence fondée sur l’évangile.
Le 11 mars prochain, un long-métrage sortira sur les écrans, Selma réalisé par Ava DuVerney.
Ce film s’éloigne du genre hollywoodien type biopic (comme cela a pu être le cas de Ray, la biographie de Ray Charles) pour décrire les marches historiques qui marquèrent les années 1950 et 1960.
Martin Luther King est né en 1929 à Atlanta en Géorgie, dans le Sud des États-Unis. Son père et son grand-père furent avant lui même, des pasteurs baptistes, la famille King avait un certain statut social. Il épousa par la suite Coretta qui s’avéra être un puissant soutien pour lui dans la prière.
Depuis la fin de la guerre de Sécession en 1876, le président Lincoln a permis l’abolition de l’esclavage mais un système légal de ségrégation s’est mis en place pour discriminer les Noirs : des toilettes séparés, le fait d’appeler même un homme âgé Boy …
Le refus d’une couturière Rosa Parks de céder sa place à un passager blanc en 1955 dans un bus de Montgomery en Alabama fut le détonateur du combat pour l’égalité des droits.
Suite à son arrestation, la population noire de la ville sous l’égide de MLK, organisa un boycott des bus pendant plusieurs mois qui paralysèrent la compagnie de bus locale.
Même dominés, les Noirs représentaient une force économique importante visible lors des boycotts de magasins, les familles blanches allèrent chercher les bonnes noires à domicile pour s’assurer qu’elles puissent travailler…
Ce premier combat couronné de succès allait en entrainer d’autres : la marche depuis Greensboro en 1960, les freedom riders en 1961, Albany en 1962, Birmingham en 1963, le discours à Washington I have a dream depuis le mémorial de Lincoln en 1963 et enfin Selma en 1965.
Cette longue lutte s’est déroulée dans la douleur et le défoulement violent des forces fédérales : les manifestants non violents furent lapidés, écrasés sous les lances d’eau, mordus par les chiens de policiers, frappés sans ménagement que ce soient des femmes ou des enfants.
Le Klu klux klan comptait en 1900 six millions de membres : ils pendaient des hommes noirs, éventraient les femmes enceintes, brulaient des croix lors de leurs rituels, des bombes furent déposées dans des églises baptistes à Birmingham…
Pourtant face à ce déferlement de violence, MLK qui n’était pas un homme politique mais bien un pasteur, incitait ses troupes à ne pas répondre à l’image du Christ humilié mais souverain. Il rédigea une série de commandements à l’intention de ses volontaires pour les aider lors des sit-in :
Marche et parle avec amour, car Dieu est amour.
Efforce toi d’être en bonne santé physique et spirituelle.
Dans tes prières, demande chaque jour à Dieu de t’employer pour que tous les hommes puissent être libres.
Souviens toi toujours que le mouvement non-violent de Birmingham recherche la justice et la conciliation et non la victoire.
Martin Luther King puise dans le sermon sur la Montagne et le livre d’Esaïe en particulier pour prêcher le social Gospel : l’Évangile social. Il s’appuiera aussi sur le combat non violent de Gandhi en Inde. Ce pari de la non-violence basée sur l’évangile s’avérera payant.
Les médias américains se révéleront être un allié involontaire de ce grand mouvement populaire puisque les téléspectateurs de tout le pays furent horrifiés des violences policières et la piètre image qu’elles donnaient du pays au monde entier.
Ainsi, la parole fut donnée avec respect aux minorités noires avec le discours de MLK à Washington, la capitale du pays.
Ce discours prononcé devant 250 000 personnes en 1963, entré dans l’Histoire depuis, impressionna beaucoup le président Kennedy car il était profondément ancré dans la culture du pays : le rêve américain et combinait des références bibliques explicites avec l’identité géographique des États-Unis :
Je rêve qu’un jour, sur les collines rousses de Géorgie, les fils d’anciens esclaves et ceux d’anciens maîtres pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité. Je rêve qu’un jour toute vallée sera élevée, toute colline et toute montagne seront abaissés. Les endroits raboteux seront aplanis et les chemins tortueux redressés. Et la gloire du Seigneur sera révélée et toute chair la verra. C’est notre espérance.
Son image médiatique devient alors toute autre : alors qu’il était vu comme un agitateur public, maintes fois emprisonné, il reçoit le prix Nobel en 1964, année durant laquelle commence la déségrégation. Le successeur anticipé de Kennedy à la Maison blanche, Johnson accorda le droit de vote aux citoyens noirs américains en 1965. Mais cet ultime combat victorieux se réalisa après d’âpres et longues négociations qui laissèrent plus d’une fois le pasteur King bien découragé.
Les dernières années de sa vie (1965-1968) furent d’ailleurs les plus difficiles, paradoxalement. La violence des menaces proférées contre lui par des groupuscules ultra-racistes et la dislocation du mouvement non-violent qu’il avait bâti,influencé par la radicalité des Black panthers, le minèrent. Persuadé d’être assassiné avant d’atteindre ses quarante ans, il tomba dans des pièges humains et destructeurs : l’alcool, les relations extra-conjugales…
Le 4 avril 1968, Martin Luther King est assassiné sur la terrasse de sa chambre d’hôtel à Memphis. Même dans la mort, Martin Luther King continuait d’être à la tête d’une immense marche de 150 000 personnes qui accompagnèrent sa dépouille.
Ses plus proches amis déclarèrent que la balle de son assassin avait raté son but puisque pendant les quatre jours qui succédèrent sa mort, on entendit beaucoup plus son message que pendant les douze ans où il lutta dans le monde entier.
Le buste de Martin Luther King réalisé par l’artiste suisse Ricman en souvenir de la venue du pasteur à Lyon à la Bourse du commerce en 1966.
En effet, l’héritage de Martin Luther King est à la hauteur des drames et de la violence que ces luttes ont dû supporter.
Un président métis Barack Obama a été élu en 2008, la ségrégation raciale légale est définitivement abolie même si les disparités économiques et sociales demeurent : les récentes émeutes à Ferguson, Missouri en août 2014, suite au meurtre d’un jeune Noir par un policier blanc.
Par ailleurs, comment ne pas souligner l’ héritage transmis par la culture noire-américaine dans les églises à travers la musique negro-spiritual, gospel et la voix inoubliable de Mahalia Jackson, qui portait l’hymne des marcheurs : We shall overcome.
Bien que profondément haï par une majorité de personnes pendant une décennie entière, Martin Luther King sera reconnu en 1986 comme une personnalité majeure de la Nation américaine : le Congrès américain (à une écrasante majorité) déclara le 4 avril étant un jour férié en hommage à Martin Luther King en 1986.
La France à moindre échelle, rendit aussi de maintes fois hommage au pasteur baptiste : on ne compte plus le nombre de places, de bibliothèques portant son nom ou celui de Rosa Parks. Même symbolique, cet acte public est important pour témoigner aux jeunes générations de ce qu’est l’injustice de la ségrégation nationale et du racisme en général.
Le film Selma d’Ava DuVernay a d’ailleurs été choisi par l’ Éducation nationale comme sujet historique traité par les collèges et les lycées en histoire-géographie et anglais.
A titre personnel, quand j’étais enfant, j’ai été sensibilisée par le ministère de Martin Luther King à travers une petite brochure illustrée de la collection Figures du protestantisme en BD par les éditions du Signe et qui m’a longtemps marqué.
Dans le domaine des essais biographiques et historiques pour adultes, je vous recommande deux ouvrages :
La force d’aimer, recueil de dix sept messages bibliques écrits par Martin Luther King, préfacé par Sébastien Fath,sociologue spécialisé dans l’étude du protestantisme évangélique, éditions Empreinte.
Martin Luther King, une vie pour la non-violence évangélique, écrit par Frédéric Rognon, pasteur de l’église protestante-unie de France et maître de conférence de la faculté de théologie protestante de Strasbourg, éditions Olivétan.
Pour parcourir le dossier pédagogique du film Selma réalisé par un collectif d’enseignants : http://www.zerodeconduite.net/selma
Une critique du film Selma : http://artspiin.eklablog.com/selma-pour-se-mettre-en-marche-a114847768
http://www.lepoint.fr/cinema/pourquoi-il-faut-aller-voir-selma-10-03-2015-1911571_35.php
La notice du musée virtuel du protestantisme, hommage à Martin Luther King :
Oh les coeurs ! 